Non aux soviets locatifs et les bailleurs discriminés !

Le Syndicat National des Propriétaires et des Copropriétaires (SNPC) et Verenigde Eigenaars (VE) ont pris connaissance avec consternation de la proposition d'ordonnance (cliquez pour télécharger) déposée au Parlement bruxellois par les groupes de la majorité dont PS, SPa, ECOLO, GROEN, DEFI et OPEN VLD.

Ils ne peuvent que constater que DEFI et l’OPEN VLD ont décidé de lâcher les bailleurs. Ils les déçoivent fortement et ils ne l’oublieront pas de sitôt. A tout le moins, ils se sont fait complètement « avoir » comme dans le cadre du Plan d’urgence logement (PUL) dont nous vous parlons dans LE CRI du mois de mars.

Le SNPC et VE tiennent à rappeler leur opposition à la mise en place d’une commission paritaire. Le SNPC l’avait faire clairement savoir lors d’une audition de la commission Logement du Parlement bruxellois. Il avait en outre refusé de participer à l’étude menée par le professeur BERNARD à la demande de la Ministre Céline FREMAULT, considérant Monsieur BERNARD comme et juge et partie. Cette étude concluait implicitement que manifestement ce n’était pas l’enthousiasme pour ce type d’initiative et qu’il lui était préféré la médiation.
 

Les arguments du SNPC et de VE sont les suivants :
 

  • On veut donner à la grille indicative des loyers un caractère contraignant

Il s’agit de mettre en place un nouveau mécanisme pour lutter contre les loyers abusifs en regard des critères suivants :

1. Ils dépassent de 20% le loyer de référence. Cette présomption peut être renversée lorsqu’il est établi que la différence entre le loyer pratiqué et le loyer de référence est justifiée par des éléments de confort substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement ;
2. Ils n’excèdent pas de 20% leur loyer de référence MAIS ils présentent des défauts de qualité substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement.

Le loyer de référence est défini comme le loyer médian indiqué par la grille indicative des loyers pour le bien visé.

En d’autres termes, c’est donner un caractère contraignant à la grille indicative des loyers…..

Les locataires qui considéreraient leur loyer abusif pourraient saisir la commission paritaire qui doit rendre son avis dans les deux mois. Si tel est le cas, la commission tenterait de concilier les parties et à défaut, libre au locataire avec l’avis de la commission d’aller devant le Juge de Paix. On s’interroge par ailleurs sur le fait que le Juge de Paix soit tenu par cet avis rendu en dehors de tout contrôle judiciaire.
 

  • D’ores et déjà les Juges de Paix sont pleinement compétents et peuvent sanctionner des loyers abusifs

Les Juges de Paix ont déjà la possibilité de sanctionner des loyers qui seraient abusifs en regard des qualités du bien donné en location et cela sur base de la théorie juridique des troubles de jouissance.

Ne mentionnons en exemple que le jugement rendu par le Juge de Paix de Saint-Gilles en date du 15 janvier 2019 (cliquez ici pour le consulter)

Rien ne justifie donc le recours à la mise en place d’une commission paritaire locative !
 

  • Tout locataire va pouvoir saisir la commission pour que soit appréciée la JUSTESSE de son loyer et faire retarder les procédures en résiliation de bail pour non paiement des loyers

Mais au-delà de la notion de loyer abusif (dont question ci-avant), tout locataire va pouvoir désormais saisir la commission paritaire pour savoir si son loyer est bien juste…. !!!!!

Mais quelle est donc cette notion de "juste loyer" ? Tous les locataires vont considérer que leur loyer n’est pas juste tout simplement en regard de leurs revenus ou d’autres considérations sans aucun rapport avec les qualités intrinsèques des biens donnés en location.

En d’autres termes, la commission paritaire va être saisie de dizaines, centaines, milliers de demandes de locataires à ce sujet. En outre, indépendamment du nombre de demandes qui vont lui être adressées, comment les membres de la commission vont-ils pouvoir apprécier l’adéquation et la pertinence du loyer avec les qualités intrinsèques des biens sans se rendre sur place…..et non pas uniquement sur base des grilles indicatives et de quelques photos…

La commission paritaire locative pourra aussi être saisie par les Juges de Paix lorsque par exemple, saisi d’une procédure en résiliation de bail, le locataire va demander au Juge de Paix de s’interroger sur la justesse de son loyer et sur le caractère éventuellement abusif de celui-ci.

Conséquence d’une demande du Juge de Paix, le dossier va être remis à plusieurs mois, le temps pour que ledit Juge puisse saisir la commission et obtenir son avis. En attendant, plusieurs mois de loyers ne seront pas honorés avec une aggravation substantielle du surendettement du locataire.

Permettre de contester le montant du loyer fixé au bail, fruit de la négociation entre les parties, est une remise en cause fondamentale de la liberté contractuelle.
 

  • Le SNPC ne veut pas que demain les bailleurs ne puissent plus exercer aucun recours en justice et notamment en cas d’arriérés de loyers et autres contentieux avec leurs locataires.

Le SNPC doit - au-delà des compétences qui seraient attribuées actuellement à la commission paritaire locative - s’inscrire dans le long terme.

Il est clair que dans le chef des partisans d’une commission paritaire locative, l’objectif à terme est qu’elle remplace les Juges de Paix. Les contentieux locatifs seraient exclus de tout recours judiciaire ou à tout le moins le passage en commission paritaire pour concilier les parties serait un préalable obligé avec les pertes de temps que nous avons connues dans le cadre de la conciliation obligatoire prévue un temps par le Code judiciaire, qui fut un échec et qui causa un préjudice certain au bailleur.

Il est dès lors hors de question pour le SNPC de s’inscrire dans une dynamique gravement préjudiciable pour les bailleurs.
 

  • Non à des "soviets locatifs"

Dans la première étape proposée de la mise en place d’une commission paritaire locative, elle serait composée paritairement de représentants des bailleurs et de deux représentants de locataires, en dehors de tout contrôle judiciaire. Bailleurs et locataires vont ainsi se substituer à la justice !

Dans l’esprit des auteurs de l’ordonnance, chaque association de défense des bailleurs et des locataires membre du Conseil consultatif du logement (où sera basée la commission paritaire) proposera des membres appelés à siéger lors des réunions de la commission. La proposition d’ordonnance part du postulat que la composition paritaire permettra une analyse croisée et complète des réalités vécues par les parties et que la technicité des avis est garantie par la présence de personnes justifiant d’une expérience utile dans l’immobilier.

Le SNPC et son homologue néerlandophone VE n’ont tout d’abord aucune personne de disponible à envoyer siéger dans la commission paritaire. Nos juristes et autres collaborateurs doivent prioriser les services aux membres et nos responsables exercent leurs responsabilités bénévolement à coté de leurs activités professionnelles. Nos associations ne bénéficient en outre d’aucun subside public et ne sont financées que par les cotisations de leurs membres.

Par contre, les associations de locataires ou de défense du logement perçoivent chaque année des centaines de milliers d’euros si pas plus et ont un personnel conséquent subventionné qu’ils pourront envoyer siéger dans la commission paritaire.

Ensuite, tant dans le personnel de nos associations que parmi nos responsables, il n’y a de personne justifiant d’une expérience utile en matière de loyers, fixation des loyers, connaissance du marché immobilier locatif en termes de loyers, expérience des grilles indicatives de loyers, sans oublier des compétences que seuls des architectes ou autres experts géomètres immobiliers désignés par les Juges de Paix ont (les qualités intrinsèques des biens)…… Nous doutons fort que tel soit également le cas au niveau des associations de locataires.

En d’autres termes et s’écartant complètement de l’esprit initial de la commission paritaire, voyant des bailleurs lambdas siéger fraternellement, collégialement autour d’une table….. il va falloir recourir à des spécialistes, des experts qui ne vont pas siéger gratuitement. Il est déjà question de rémunération (sans doute des jetons de présence) mais en regard des prestations qui vont être demandées pour faire face à un nombre conséquent de dossiers, à un travail de fond préparatoire, à des visites sur le terrain, etc. Ce sont finalement des jobs à temps plein qu’il faudrait.
 

  • Les bailleurs qui louent trop bon marché sont discriminés

Dans les mesures envisagées, c’est à peine si l’hypothèse où le loyer serait trop bas par rapport aux grilles indicatives est prise en compte et dès lors permettre son augmentation. Il est déraisonnable qu’un bailleur ne puisse percevoir le juste loyer pour lui permettre de faire face à ses charges et d’en tirer un revenu raisonnable.

Certes, la proposition fait état de ce que le bailleur ou une personne mandatée par lui puisse également saisir la commission afin d’obtenir un avis sur la justesse du loyer pratiqué, après le premier triennat, lorsqu’il apparait que le loyer au moment de l’introduction de la demande est inférieure de 30% au loyer de référence sans que cette différence ne soit justifiée par des défauts de qualité substantiels, non imputables au preneur du bien ni par son environnement.

Pourquoi déjà, ne permettre une telle demande qu’après le premier triennat alors que les locataires c’est immédiatement ? Pourquoi 30% alors que pour la notion de loyer abusif c’est 20% et même moins ?

Mais plus encore, la proposition d’ordonnance ne modifie en rien le texte de la législation pour permettre au bailleur d’aller devant le Juge de Paix avec l’avis qui serait rendu par la commission paritaire locative. Il faut permettre aux Juges de Paix d’être saisi également d’une demande pour loyer trop bon marché comme il peut l’être pour un loyer abusif.
 

  • Les grilles indicatives de loyer

Mais avant tout chose et avant d’apprécier si un loyer est juste ou abusif, ce sont les grilles indicatives de loyer auxquelles il faudrait s’intéresser. La DPR (Déclaration de Politique Régionale) elle-même reconnaît que les grilles ne sont pas correctes.

Il est de notoriété publique que ces grilles qui sont apparues en 2017 sont sous-estimées à Bruxelles, au contraire de celles en vigueur en région wallonne par exemple.

Le Gouvernement bruxellois et les partis qui le composent, seraient mieux avisés de revoir sérieusement ces grilles sur base de critères bien plus sérieux et plus fins que ceux existants actuellement.

On ne peut juger d’un loyer sur base de grilles obsolètes et sous-estimées dès le départ dans l’espoir de faire diminuer les loyers.

Nos gouvernants ne doivent-ils pas aussi s’interroger sur l’abondance de la demande (nombre de ménages en recherche d’un logement) et la pénurie de l’offre (trop peu de biens sur le marché) ? Le marché immobilier est régi –comme tout marché – par la loi économique de l’offre et la demande. Quand il y a une pénurie d’offres et une demande abondante, les prix montent. Quand l’offre est abondante et que la demande est modérée, les prix baissent.

Alors, on pourrait attendre du Gouvernement qu'il mette tout en œuvre pour favoriser l’éclosion et l’érection de nouvelles constructions et de nouveaux logements en s’appuyant sur le privé (le public étant largement défaillant à ce niveau et en plus désargenté) plutôt qu’édicter des nouvelles règles contraignantes et décourageantes de l’investissement immobilier à Bruxelles.

Il est fort à parier que dans un avenir pas trop lointain, l’offre se fera encore plus rare pour une demande de plus en plus grande et que les prix des loyers continueront donc d’augmenter au détriment même des personnes que le gouvernement bruxellois essaie justement d’aider.

 

Date : 
01/03/2021