COMMUNIQUE DE PRESSE - 30 octobre 2019

LA CHASSE AUX BAILLEURS EST-ELLE OUVERTE EN REGION DE BRUXELLES CAPITALE ? 

Interdire les expulsions de locataires indélicats pendant les mois d’hiver ?!
Déresponsabilisation complète des locataires et des pouvoirs publics sur le dos des propriétaires privés !   

Pour celles et ceux qui suivent le marché du logement en Région de Bruxelles Capitale, ils auront constaté, comme le SNPC, une poussée de fièvre dans le monde des associations de défense des locataires et même de différents intervenants publics. Les journées d'études, de colloques, d'inauguration autour de la défense des droits des locataires se sont multipliés au cours de ces dernières semaines : 15 ans du Code bruxellois du Logement, quels effets sur le parc locatif ?, Droit au logement abordable, inauguration de loyers négociés asbl, Précarités, mal-logement et expulsions domiciliaires en Région bruxelloise, Projet de Cohésion Sociale en péril & Libertés des "locataires sociaux" en danger etc.... 

Les thématiques qui ont été abordées le 22 octobre dernier à l'occasion de la table ronde organisée par l'Observatoire de la santé et du social à Bruxelles lors de la présentation de son rapport annuel 2018 sont des plus exemplatives :
Comment évolue l'accès au logement en Région bruxelloise ? Quelles sont les conséquences des expulsions domiciliaires dans la Région et quelle est leur fréquence ? Qu'advient-il des personnes expulsées ? Quels sont les impacts du nouveau Code du logement sur l'effectivité des recours en cas de discrimination dans l'attribution d'un logement ? Quels sont les outils éventuellement mobilisables pour contester des loyers abusifs dans le cadre d'un jugement ? 

Et, au delà du fond, pour parler de ces différents sujets qui intéressent à plus d'un titre les bailleurs, leurs associations représentatives n'ont pas été invitées à faire partie des différents panels de discussions !
Les bailleurs sont ignorés et ne sont simplement pas considérés comme des acteurs du logement! 

En parallèle, le programme de la nouvelle majorité bruxelloise (PS-ECOLO-DEFI-GROEN-SPa et Open VLD) mentionne :
« Afin d’assurer une plus grande sécurité aux personnes précarisées et de limiter les situations de sortie du logement, le Gouvernement adoptera une législation claire pour encadrer les expulsions, notamment par le biais d’un moratoire hivernal pour le logement public non actuellement couvert par un tel moratoire.
Cette période de trêve hivernale s’étendra entre novembre et mars.
La possibilité de l’établissement d’un tel moratoire au logement privé sera analysée en parallèle avec un mécanisme d’indemnité compensatoire pour les propriétaires.Il s’agira en outre de renforcer la lutte contre les expulsions illégales. » 

Une telle mesure existe en effet déjà dans le logement social tant à Bruxelles qu'en Wallonie et aucune mesure n’est préconisée pour indemniser les sociétés de logements sociaux des pertes complémentaires qu’elles vont avoir. Mais il est vrai qu'elles sont très largement subventionnées par les Régions ! 

Le SNPC tient à faire part de son opposition formelle à une telle mesure pour différentes raisons :
• Tout d’abord, il attire à nouveau l’attention sur le fait que par le passé en 2003-2004, les Sénateurs LALOY et MAHOUX avaient déposé au Sénat une proposition de loi en ce sens qui fut en définitive abandonnée devant l’avis particulièrement négatif du Conseil d’Etat.
• L’interdiction d’expulser un locataire durant l’hiver et nonobstant un jugement en bonne et due forme (non-paiement des loyers, non entretien du bien loué, occupation personnelle du bailleur ou d’un proche etc..) serait une remise en cause fondamentale du droit de propriété.
• Certes pour les personnes concernées par une expulsion et leur famille, la situation est difficile à vivre si pas des plus dramatiques. Des mesures doivent être adoptées de manière à humaniser au mieux ces cas mais c’est aux pouvoirs publics à faire le nécessaire. 

Le SNP ne peut cependant que constater la carence générale des CPAS en matière de suivi et de prise en charge des personnes faisant l’objet d’une expulsion.
Il faut ainsi rappeler que la loi prévoit depuis de nombreuses années déjà que les CPAS doivent être avertis des procédures en matière de résiliation de baux pouvant conduire à des expulsions (et tel est le cas par les Greffes des Justices de Paix) ou encore un fois les jugements rendus par les Huissiers de Justice chargés de signifier et d’exécuter les jugements rendus.
L’expérience montre qu’à de très rares exceptions (voir par exemple le CPAS de NAMUR), il n’y a aucune réaction des CPAS, avant et après les jugements, même le jour des expulsions comme en témoignent de nombreux Huissiers de Justice.
Soutenir dès lors aujourd’hui que cette trêve hivernale permettrait aux CPAS de prendre les mesures alternatives voulues relèvent du leurre le plus complet. 

Par ailleurs et que le bailleur soit public ou privé et comme l’a précisé le Conseil d’Etat en 2004 :
« Le propriétaire-bailleur sera privé de la jouissance de sa propriété pendant trois mois : il ne pourra ni l’occuper lui-même, ni la louer à un autre locataire, ni en percevoir les revenus, cette perte de revenus s’ajoutant à l’arriéré de loyer déjà existant ou à une exécution d’autres obligations contractuelles ou bien encore aux autres dommages éventuellement subis qui ont justifié la résolution judiciaire du bail et l’expulsion du locataire.
……………………………………
Dans cette mesure, la question se pose de savoir s’il est concevable que la proposition de loi ne prévoit aucune indemnisation du bailleur.
……………………………………
Certes durant la période pendant laquelle il a été imposé au Juge de sursoir à toutes mesures d’expulsion, les loyers, dus en exécution du contrat de bail, continueront à être à charge du locataire. Il est toutefois douteux que, dans les situations que vise la proposition de loi, le fait que le bailleur puisse recouvrer sa créance par toute voie de droit, suffisent à considérer qu’il existe, dans son chef, une indemnisation appropriée, compensant la restriction qui est imposée à son droit de propriété » 

Le Conseil d’Etat concluait dès lors à la nécessité de prévoir une indemnisation des propriétaires par les pouvoirs publics et plus précisément les CPAS à concurrence des montants non payés. C’est d’ailleurs pourquoi la proposition LALOY – MAHOUX n’a connu aucune suite, les CPAS ne voulaient pas passer à la caisse. 

Et pour le SNPC, il est hors de question de croire que les propriétaires vont accepter de garder un locataire qui ne paie pas et qui, comme le rappelle le Conseil d’Etat, leur doit déjà des montants importants. 

En fait, l’interdiction des expulsions entre le 1ier novembre et le 15 mars sans indemnisation des propriétaires bailleurs constituerait une véritable expropriation et la Constitution est claire en la matière, il ne peut y avoir expropriation sans une juste et préalable indemnisation.

Enfin, il faut être conscient que l’adoption d’une mesure de ce type ne pourra que faire fuir les particuliers de l’investissement locatif privé avec pour conséquence une raréfaction de l’offre de logements à louer et une augmentation des loyers. Par là même, c’est également déresponsabiliser complètement les locataires et les inciter à ne pas payer leurs loyers dès que l’hiver approchera sans compter que cela ne motivera en rien des CPAS à chercher des mesures pour reloger les personnes concernées. Bien au contraire, aujourd’hui déjà cela ne fait pas partie de leur préoccupation. 

La France n'est certainement pas une bonne référence en la matière car tout le monde sait justement que la mise en œuvre de cette mesure a des effets particulièrement pervers et notamment sur le fait que des propriétaires préfèrent laisser leur immeuble vide plutôt que de le louer par crainte de nombreux problèmes ou autres difficultés avec les locataires. 

Le SNPC ne manquera dès lors pas de suivre de près ce dossier et d’introduire tout recours utile contre la mesure contestée qui apparaît à nouveau et surtout comme une démarche doctrinaire : les propriétaires sont tous riches et qu’ils paient et supportent donc ce coût pour la société en général. 


Contact : Olivier HAMAL, Président du SNPC
Tél. 0475/36.09.17 - olivier.hamal@skynet.be

 

Date : 
31/10/2019