Par Eric Mathay, réviseur d'entreprises, Président de la Régionale bruxelloise du SNPC-NEMS

Il l’avait dit, il l’avait annoncé dans la presse, il a tenu parole et il l’a fait. Bravo !

Le Ministre Willy Borsus (MR) en charge des Classes Moyen­ nes et de l’Agriculture exerce la tutelle sur l’IPI (Institut Pro­ fessionnel des agents Immobiliers).

Le ministre vient de finaliser un projet de loi qui va reformer en profondeur le fonctionnement de cet Institut notamment sur le plan des poursuites de ses membres qui auraient une conduite répréhensible.

Notre syndicat dénonçait depuis des longs mois, voire des années, l’impéritie de l’IPI à poursuivre sérieusement les agents immobi­ liers indélicats.

Faut­il encore rappeler les diffé­ rents dossiers dénoncés par le SNPC­ NEMS, de détournements de fonds au détriment de copropriétés (ex affaire Marevoet à Bruxelles : 750.000 € détournés dont 300.000 € pour une seule résidence à Anderlecht de 150 copropriétaires ou encore le dossier Maréchal Gerex à Liège : 200.0000 €), de détournements d’acompte sur vente et/ou de cautions locatives (ex : affaire Gil Immo Reynders à Liège et Immo Model Moreau à Charleroi), de commissionnements illégaux par des syndics (affaire Schindler entre autre avec Omnimo et Immo Hees), de détournements d’indemnités d’assu­ rances (les fameuses pertes indirectes et les bonus modulis – Omnimo), pour ne citer que les cas les plus remarquables.

Chaque fois que le SNPC­NEMS a été informé de tels agissements, nous avons récolté les informations utiles et les preuves. Nous les trans­ mettions à l’IPI et dans les cas les plus graves au Ministre de tutelle.

Le Ministre Willy Borsus vient de siffler la « fin de la récréation ».

Le projet de loi qu’il vient de finaliser rencontre les nombreuses attentes de notre organisation mais surtout – et c’est finalement cela qui compte – il va répondre à des cen­ taines de milliers de copropriétaires qu’il convient de protéger contre les agissements décrits ci­avant.

Faut­il rappeler qu’il existe en Bel­ gique 183.000 copropriétés représen­ tant 1.300.000 appartements et une population estimée entre 3.500.000 et 4.500.000 personnes.

C’est dire si ce projet de loi porté par le Ministre Borsus est important vu l’ampleur de la population concer­ née, quasiment 40 % de la popula­ tion belge.

Et un projet de loi qui n’aura, pour l’Etat et pour une fois, aucune incidence budgétaire.

Les principaux changements annoncés par ce projet de loi, pour lesquels notre organisation a été consultée, portent sur les procédures de plaintes, de traitement de ces plaintes, des possibilités de recours, des mesures provisoires dans les cas graves, des mesures d’informa­ tion vers les tiers et les copropriétés gérées par un syndic à problèmes, la désignation d’un administrateur pro­ visoire au bureau de l’agent immobi­ lier ou du syndic.

Le fil conducteur du projet qui a présidé dans la rédaction de ce projet de loi est la protection du coproprié­taire et des personnes s’adressant à un agent immobilier intermédiaire.

Nous passerons rapidement en revue les changements mais nous y reviendrons plus en détail lorsque la loi aura été votée par le Parlement fédéral.

Il prévoit la création d’assesseurs juridiques généraux à côté d’asses­ seurs juridiques. Leurs missions consisteraient notamment à ins­ truire les dossiers de plaintes ou de faits dont ils auraient connaissance.

La plainte une fois instruite peut donner lieu à un classement sans suite. Le plaignant, le Bureau de l’IPI en seraient informés et ils dis­ poseraient d’un délai pour interjeter appel auprès de l’assesseur juridique général de ce classement sans suite. Ce n’était pas le cas aujourd’hui.

Le Ministre veut par cette mesure mettre devant leur respon­ sabilité le Bureau de l’IPI qui devra prendre position (en interjetant ou pas appel) d’une décision curieuse de classement sans suite prise l’as­ sesseur juridique. On ne peut que marquer son approbation à cette nouvelle procédure.

La possibilité de prendre des mesures de suspension est confir­ mée. Si les faits reprochés à un membre font craindre que l’exercice ultérieur de son activité profession­ nelle ne soit de nature à causer un préjudice à des tiers ou à l’honneur de l’Institut, l’assesseur pourrait prendre des mesures provisoires que la prudence impose, telles que l’inter­ diction temporaire d’exercer la pro­ fession. Ces mesures provisoires ne pourraient excéder 3 mois mais pour­ raient être prolongées jusqu’à 6 mois.

Encore mieux. Le Bureau de l’IPI, l’assesseur juridique et l’asses­ seur juridique général pourraient chacun demander au Président du Tribunal de Première Instance toutes mesures conservatoires pré­ vues par l’article 584 du Code judi­ciaire dont notamment la désigna­ tion d’un administrateur provisoire. Et si cette mesure conservatoire concerne un agent immobilier syn­ dic, l’administrateur provisoire dési­ gné remplacerait l’agent immobi­ lier dans ses missions de syndic de copropriété.

Autre changement fondamental. Lorsqu’une ou plusieurs mesures provisoires concernent un syndic, l’assesseur juridique ou l’assesseur juridique général en informerait les associations de copropriétaires gérées par le syndic dans les 15 jours. De même, si la décision disci­ plinaire rendue par la Chambre dis­ ciplinaire contient la suspension de plus d’un mois sans sursis ou une radiation, ce serait à la Chambre d’en informer les associations des copropriétaires.

Enfin, le projet de loi instaure l’obligation pour les agents immo­ biliers de faire une distinction entre ses fonds propres et les fonds de tiers. En pratique cela signifie que lorsque l’agent immobilier recevrait des fonds destinés à leurs clients ou à des tiers, ils devraient faire dépo­ ser ces fonds sur le compte tiers à l’instar de ce qui existe pour les avo­ cats. Et le projet de loi va plus loin encore car il obligerait l’agent immo­bilier de transférer les fonds reçus sur un compte rubriqué au nom du client ou du tiers si la somme reçue dépasse 2.500 € et que les fonds sont depuis au moins 4 mois sur le compte tiers de l’agent immobilier.

Comme on peut le voir, ce pro­ jet de loi répond vraiment à une demande des consommateurs, des propriétaires, des copropriétaires qui sont appelés à traiter avec des agents immobiliers qu’ils soient intermédiaires ou syndic.

Nous applaudissons des deux mains l’initiative du Ministre Willy Borsus, le courage et la détermina­ tion dont il a fait preuve. Son cabinet et ses collaborateurs(trices) n’ont pas manqué d’écouter le SNPC­ NEMS mais aussi l’IPI dont le nouveau Bureau fraîchement élu a été bien plus sensible et positif vis­à­vis de la réforme. Il reste à faire voter le texte au Parlement en espérant que des amendements ne viendront pas détricoter ce beau projet de loi.

Nous voudrions conclure en exprimant ici un vœu citoyen. Des projets de loi comme celui porté par le Ministre Borsus sont des projets qui touchent des millions de per­ sonnes dans leur quotidien.

Ce projet améliorera sensible­ ment les relations « consommateurs/ copropriétaires et agents immobi­ liers, syndics et intermédiaires ».

Puisse d’autres Ministres et Parlementaires être à l’écoute de ces millions de personnes qui attendent des lois qui solutionnent les problèmes.

Et nous pensons ici à deux autres initiatives qui pourraient s’inscrire dans la même lignée.

Celle de la Députée fédérale Madame Françoise Schepmans (MR) qui a déposé une proposition de loi (voir Le Cri de mars 2017) qui vise à conférer aux associations de copro­ priétaires un privilège sur les actifs des copropriétaires défaillants (impé­ cunieux) dans les copropriétés et qui mettent ainsi en grand danger l’équi­ libre financier de ces copropriétés.

Et ensuite, la création d’une banque de données des locataires défaillants. Le SNPC­NEMS attend que le Gouvernement concrétise ce projet repris au point 6.33 en pages 128 et 129 de son accord de Gouverne­ ment. En effet, l’accord prévoit que :

« Le gouvernement adoptera .... une politique pro-active en vue d’éliminer la problématique du surendettement. La banque de données de la Centrale des crédits aux particuliers (CCP) sera ainsi étendue par l’introduction de davantage de types de crédits non payés (énergie, télécom, impôt des personnes physiques, loyer, etc.) afin de protéger l’entrepreneur, mais surtout le consommateur contre le surendettement. Les consommateurs libérés de leurs dettes seront plus rapidement retirés de la CCP. Dans le souci de protéger les locataires défaillants contre le surendettement, le gouvernement permettra que le retard locatif objectif suite à une condamnation définitive en justice de paix soit mentionné dans le fichier de la Centrale des crédits aux particuliers ».

Avec la concrétisation de tels pro­ jets qui, dans chacun des cas, n’ont aucun impact sur les finances déli­ cates de l’Etat, le monde politique peut se réconcilier avec les citoyens.

Nous attendons avec impatience de la part de nos Gouvernants les initiatives concrètes dans ces domaines. Le SNPC­NEMS relan­ cera les Ministres concernés sur ces 2 thématiques.

Vous, propriétaires et/ou copropriétaires, bailleurs ou non, faites connaître le projet de réforme du Ministre Willy Borsus auprès des copropriétés où vous siégez. Faites aussi connaître les actions que votre syndicat mène à travers ces représentants bénévoles.