Stop à la désinformation : M. de Callatay sait-il compter ?
Le journal LA LIBRE a publié dans son supplément IMMO de début juillet 2019 un dossier sur l’investissement immobilier sous la plume de la journaliste Charlotte Mikolajczak.
Le dossier aborde correctement le sujet en exposant les avantages et les inconvénients de tels investissements immobiliers. La journaliste fait appel à deux spécialistes, M. Pascal LASSERRE, président de l’APCC (association professionnelle des courtiers de crédit) et M. Etienne de CALLATAY, économiste.
Les propos de ce dernier en matière de fiscalité immobilière sont autant incomplets qu’incorrects.
Selon M. de CALLATAY, l’imposition des revenus immobiliers est plus faible, basée sur un rendement fictif basée sur 140% d’un revenu cadastral indexé. Et d’ajouter que la fiscalité sur les loyers résidentiels est attractive et plus avantageuse que le précompte mobilier (ndlr : 30%) sur les actions.
Cette antienne est répétée à l’envi par l’intéressé dans diverses publications et interviews dont les propos sont parfois généreusement repris par certains politiques qui voudraient taxer encore plus lourdement l’immobilier, qu’il s’agisse du loyer ou du capital.
Mais la vérité est autre. Petite démonstration.
Tout d’abord, lors de l’achat d’un bien immobilier, l’acheteur (l’investisseur) doit payer soit des droits d’enregistrement de 10 ou 12,5% selon la Région pour un bien acquis sur le marché secondaire soit une TVA de 21 % pour un bien acquis sur le marché primaire (le neuf).
Par rapport à cela, lors de l’acquisition d’un portefeuille de valeurs mobilières (actions, obligations, fonds d’investissements, etc..), les taxes sur opérations de bourse (en abrégé TOB) sont insignifiantes : de 0% à 0,35%.
C’est donc déjà, au niveau de la comparaison, des chiffres éloquents. Prenez un investissement immobilier de 250.000 €, vous payez des droits d’enregistrement de 25.000 € ou 31.250 € selon la Région ou de TVA de 52.500 €, auquel ne l’oublions pas il faudra y ajouter les honoraires et frais divers du Notaire. Encore quelques milliers d’euros. Pour l’acquisition d’un portefeuille titres de 250.000 €, les frais seront à peine de l’ordre de quelques centaines d’euros soit 875 € (0,35% de 250.000 €).
Qu’en est-il de la taxation des revenus immobiliers ?
Annuellement, le propriétaire doit payer un précompte immobilier. Ce précompte n’est plus une avance sur l’impôt final comme son qualificatif de « précompte » pourrait le laisser penser. Il s’agit d’un impôt pur et dur. Il est calculé sur le revenu cadastral indexé annuellement et multiplié par des centimes additionnels régionaux (Bruxelles), provinciaux (Flandre et Wallonie) et bien sûr communaux. A Bruxelles, pour un revenu cadastral de 1.500 € le précompte immobilier est égal ou supérieur à 1.500 € (selon la commune).
Outre le précompte immobilier, le propriétaire doit également déclarer dans sa déclaration fiscale à l’IPP (Impôt des Personnes Physiques) ledit bien immobilier. On considère ici un bien immobilier donné en location à une personne qui ne l’affecte pas à une activité professionnelle. Dans ce cas, le montant à déclarer est le revenu cadastral, mais la base imposable est égale à ce revenu cadastral multiplié par un coefficient d’indexation de 182,30 % et remultiplié par 140%. Donc, pour un revenu cadastral de 1.500 €, la base imposable sera de 3.828 €. Considérant une taxation de 50% (taux applicable pour des revenus globaux supérieurs à 40.480 €) et d’un impôt communal de 8%, l’impôt à payer est de 54% soit 2.067 €.
Au total donc, le propriétaire immobilier aura décaissé des impôts (Pr Immob et IPP) de +/- 3.600 €.
Alors que dans l’esprit de certains (économistes ou hommes/femmes politiques), le loyer encaissé par le propriétaire est un profit net. Quelle erreur, voire quelle horreur de raisonnement. C’est comme affirmer que le chiffre d’affaires d’une société est égal à son bénéfice ! Aucune société ne paie un impôt des sociétés calculé sur son chiffre d’affaires.
Car, il ne faut pas avoir fait des grandes études pour savoir qu’un bien immobilier entraine des dépenses récurrentes ou non
selon le cas. Des dépenses d’entretien, de réparation, d’assurances, de travaux de mise en conformité (p.ex. les ascenseurs, l’électricité) des travaux de rafraîchissement, des travaux de renouvellement des châssis, d’une chaudière, d’un électroménager dans une cuisine équipée, d’un certificat PEB, etc, etc, etc….
Mais aussi, l’absence de revenus locatifs lorsque un locataire est en défaut de paiement auquel viennent s’ajouter des dépenses comme des frais d’avocat, d’huissiers, d’experts.
Et ajoutons encore, que le propriétaire paie aussi une commission à l’agent immobilier qui se charge de la recherche d’un nouveau locataire (en général 1 mois de loyer + TVA de 21%), paie aussi des frais liés à l’établissement d’un état des lieux d’entrée (et de sortie). Ce sont des dépenses dont le propriétaire pourrait se passer en procédant lui-même à de telles recherches, mais l’expérience montre que de plus en plus, le propriétaire fait appel aux services d’agents immobiliers spécialisés, la matière étant devenue quand même assez complexe.
Enfin, last but not least, le chômage locatif entre 2 contrats de location n’est pas simplement une utopie mais bien une réalité vécue par beaucoup de bailleurs.
Dès lors, en fin de compte, si vous considérez un bien immobilier situé à Bruxelles, loué pour 1.000 € par mois (12.000 € par an) et que vous retirez toutes les dépenses et autre chômage locatif, vous obtenez un loyer « net » que l’on peut alors mettre en comparaison avec les impôts payés.
Sans vouloir noyer le lecteur avec une avalanche de chiffres, on peut raisonnablement affirmer que les charges liées à un bien représentent facilement 40% du loyer annuel. Ce qui nous laisserait donc un loyer net 7.200 € dans l’exemple ci-avant. Et sur lequel, vous auriez des impôts de 3.600 € (voir ci-avant) à payer, soit donc une taxation de 50%.
Par rapport à un précompte mobilier de 30% sur les dividendes et autres intérêts de titres à revenus fixes, il n’y a pas « photo ».
Enfin, on ne fera pas non plus l’économie d’évoquer ici les droits de donation et de succession.
Alors que le bien immobilier ne peut être caché et échapper à l’administration fiscale, un portefeuille titres peut aisément se transmettre discrètement ou avec des droits de donation très raisonnables, de 3 à 7% selon le degré de parenté. La personne qui donne un portefeuille-titres ou du cash de 500.000 €, verra la donation taxée à 15.000 € (3% en ligne directe) ou de 35.000 € (7% donation à d’autres personnes).
Pour la donation d’un bien immobilier d’une valeur équivalente de 500.000 €, les droits de donation s’élèveront à 63.000 € en ligne directe (en Région Bruxelloise) et à 115.000 € entre toutes autres personnes (en Région Bruxelloise).
Et en matière de droit de succession, les avoirs mobiliers et immobiliers sont logés à la même enseigne. Mais rappelons que les taux sont exorbitants pour atteindre 65 % au-delà de 250.000 € pour une succession entre frères et sœurs et de 80% au-delà de 175.000 € entre personnes étrangères…..
Enfin, pour M. de CALLATAY, le propriétaire bailleur retire un « certain plaisir à papoter avec ses locataires, à jouer au plombier ou au chauffagiste… » Non, chers lecteurs, cela ne s’invente pas !
Parce que le propriétaire bailleur trouvera très plaisant que le locataire lui téléphone à 6 heures du matin (un samedi ou un dimanche de préférence….) pour lui signaler que la chaudière est en panne, ou que « le robinet de la cuisine » coule ou parce que « les fusibles ont sauté », ou que le chien du voisin aboie ou que la musique va trop fort dans l’appartement d’à côté… Que du plaisir n’est-ce pas ?
Par rapport au portefeuille-titres, on attendra encore un peu avant d’être réveillé à toute heure du jour ou de la nuit et le week-end, par un titre qui serait mal en point…
En conclusion, si l’investissement immobilier est un socle important et solide dans un patrimoine, prétendre qu’il n’est pas assez taxé est une complète hérésie et un manque de connaissance évident de la réalité économique de la gestion d’un tel investissement et des coûts qu’il implique.
Monsieur de CALLATAY, pour votre anniversaire ou votre Noël, invitez vos amis à vous offrir une calculette.
Par Eric Mathay, Réviseur d’entreprise – Président de la régionale bruxelloise SNPC-NEMS