Il advient que les relations contractuelles tournent progressivement mal et les parties, le syndic ou les copropriétaires unilatéralement, voire les deux parties de commun accord, décident de mettre fin à leur relation contractuelle. Dans son dernier n° l’IPI News consacre un article à la fin de mission du syndic, l’occasion pour nous d’aborder également cette question.

En effet, outre sa fonction légale de représentation de l’Association des copropriétaires tant en justice que dans la gestion des affaires communes (CC. Art. 577-8, § 4, 6°), le syndic doit conclure avec l’association des copropriétaires un contrat écrit (CC. Art. 577-8, § 1er). Ce contrat – synallagmatique – qui régit la relation entre parties définit pour chaque partie des droits et des obligations. Ceux-ci émanent d’une part de la loi sur la copropriété et d’autre part des négociations particulières entre parties. Par exemple, le contrat précise le montant de la rémunération et la liste des prestations sous forfait et complémentaires, la durée du mandat, l’étendue des droits et obligations du syndic, les modalités de renon et les éventuelles modalités de renouvellement et les obligations consécutives à la fin de la mission. D’ailleurs, pour rappel, ces diverses modalités doivent être prévues depuis le 1.1.2019 dans le Règlement d’ordre intérieur (CC. Art. 577-4, § 2, 2°).

COMMENT ARRIVER À LA FIN DU MANDAT ?

Dans le chef du syndic qui souhaite en finir soit pour l’échéance contractuelle de son mandat, soit à tout autre moment, en principe, il convoquera une assemblée générale, avec le point clair et précis de la fin de sa mission à la date visée comprenant aussi un appel à offres, l’examen des candidatures introduites, et la nomination du nouveau syndic. La démission du syndic sera actée et le nouveau prendra ses fonctions à la date convenue.

Dans le chef de l’association des copropriétaires, les copropriétaires doivent prendre la décision en assemblée générale et votent à la majorité absolue (50% des millièmes présents et représentés au moment du vote+ 1). Comme ci-avant, à l’initiative du syndic ou à la demande des copropriétaires, une assemblée générale doit être convoquée. La démission présentée sera actée ou l’assemblée générale optera de voter pour un non-renouvellement ou pour une révocation du mandat.

A l’issue de la séance et après lecture, le procès-verbal est signé par le président de l’assemblée générale, par le secrétaire désigné lors de l’ouverture de la séance et par tous les copropriétaires encore présents à ce moment ou leurs mandataires (CC. Art. 577-6, § 10). Le texte légal indique cependant qu’il revient au syndic de rédiger le procès-verbal des décisions prises à l’AG.

Il en ressort que la loi permet qu’en début de séance, les copropriétaires désignent un secrétaire spécifique pour tenir la plume. C’est d’autant plus important si les copropriétaires craignent que la séance au cours de laquelle le mandat du syndic actuel sera débattu, sera houleuse ou que le syndic mis en cause ne quitte les lieux en « les plantant là ». Autrement dit, la loi n’impose pas au syndic d’être présent lors de cette réunion. L’assemblée pourrait poursuivre normalement sa séance et son procès-verbal pourrait être rédigé par le secrétaire ainsi désigné ou par le « nouveau » syndic prenant immédiatement ses fonctions. Pour rappel d’ailleurs, une démission « brutale » du syndic ne paralyserait pas non plus l’association des copropriétaires qui n’est plus démunie depuis l’adoption de l’article 577-6, § 2, in fine du Code civil : en effet, « à défaut d’un syndic, le conseil de copropriété ou, à défaut, le président de la dernière assemblée générale ou, à défaut, un ou plusieurs copropriétaires possédant au moins 20% des quotes-parts dans les parties communes peuvent convoquer l’assemblée générale aux fins de nommer un syndic ». La désignation d’un secrétaire en début de séance prend ainsi tout son sens !

APRÈS LA FIN DU MANDAT DU SYNDIC :

1. Publicité de la fin du mandat du syndic par l’Association des copropriétaires

Il n’y a plus de contrat entre parties. Le syndic sortant ne doit ni ne peut plus poser d’autres actes juridiques. Le syndic n’a plus droit à des honoraires pour le futur et n’a plus le droit d’effectuer des paiements, ce que les copropriétaires craignent par-dessus tout.

Pour éviter ces risques, la copropriété par la voie de son nouveau syndic doit rapidement rendre la nouvelle nomination opposable à tous :

> elle communique à la Banque le procès-verbal de nomination avec l’identité complète, l’adresse et le n° BCE éventuel du mandataire et la date de prise d’effet du mandat pour procéder au changement des pouvoirs et signatures,

> elle demande à la Banque Carrefour des Entreprises, au plus tard le dernier jour ouvrable qui précède le début de la mission ou dans les huit jours ouvrables après la désignation décidée depuis moins de 8 jours (voir LE CRI n° 413, 414 et 416), la radiation de l’ancien mandat et l’inscription/publication de la nouvelle fonction de syndic,

> elle affiche, de manière inaltérable et visible à tout moment à l’entrée de l’immeuble et siège de l’association, dans les huit jours de la prise en cours de la mission, un extrait de la décision de désignation/publication (CC. Art. 5778, § 2).

2. Obligation légale du syndic sortant et droit de l’Association des copropriétaires

Le nouveau syndic doit pouvoir poursuivre rapidement la gestion de l’immeuble.

En exécution de l’article 577-8, § 4, 9° du Code civil, « quels que soient les pouvoirs qui lui sont conférés par le règlement de copropriété, le syndic est chargé de transmettre, si son mandat a pris fin de quelque manière que ce soit, dans un délai de 30 jours suivant la fin de son mandat, l’ensemble du dossier de la gestion de l’immeuble à son successeur ou, en l’absence de ce dernier, au président de la dernière assemblée générale, y compris la comptabilité et les actifs dont il avait la gestion, tout sinistre, un historique du compte sur lequel les sinistres ont été réglés, ainsi que les documents prouvant l’affectation qui a été donnée à toute somme qui ne se retrouve pas dans les comptes financiers de la copropriété ». Les articles 1, 14, 16, 23 et 78 du Code de déontologie de l’IPI y relatifs sanctionnent d’ailleurs un manquement à cette obligation légale !

3. Autres droits du syndic sortant

La rupture de la relation contractuelle n’exonère pas l’Association des copropriétaires de respecter ses engagements et de payer au syndic sortant les honoraires contractuels dus et facturés par le syndic sortant.

De plus, en vertu des accords entre parties, le syndic sortant fera valoir ses droits à préavis (éventuellement) non respecté et/ou à indemnité à payer et lui adressera sa demande. Il appartiendra à la copropriété de la contester si elle estime la demande non-fondée compte tenu des griefs qu’elle aura retenu contre le syndic sortant.

Si les conventions doivent, selon les principes généraux du droit, être exécutées de bonne foi, le syndic a aussi, en sa qualité de professionnel, un devoir d’information à l’égard de son mandant. Il lui incombe de rappeler à l’assemblée générale en temps et heure, par exemple, la prochaine date d’échéance du mandat et la nécessité de le renouveler par une décision expresse (CC. Art. 577-8, § 1er, alinéa 3) ou les modalités convenues en cas de rupture anticipée telles un préavis à respecter ou la débition d’une indemnité de rupture.

Ce devoir du syndic et les informations communiquées doivent en effet permettre aux copropriétaires d’être parfaitement éclairés et de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Le syndic devrait donc éviter une communication de cet ordre équivoque et susceptible d’être assimilée à de l’intimidation !

4. Crainte des copropriétaires : une « justice » expéditive du syndic en se payant sans autre forme de procès des honoraires ou des indemnités dont il s’estimerait à bon (ou à mauvais) droit créancier

Le syndic sortant assure lui-même le respect des droits que lui reconnaîtrait la convention, sans attendre que l’Association des copropriétaires exécute volontairement ses obligations.

Notre ordre juridique positif applique l’adage « Nul ne peut se faire justice à soimême par des moyens illicites ». Et il est une règle essentielle du droit judiciaire pour celui qui prétend avoir un droit. Il doit passer par le juge pour se le voir reconnaître et par la force publique pour le voir réaliser.

Par conséquent, il revient au syndic sortant lésé dans ses droits d’utiliser les voies légales : adresser à l’Association des copropriétaires une demande (facture) et une mise en demeure et ultérieurement, si nécessaire, agir en justice pour obtenir un jugement condamnant à payer les montants dus et, au besoin, procéder à son exécution forcée par huissier de justice.

Se faire justice à soi-même est également sanctionné par la Chambre exécutive de l’IPI qui l’a aussi récemment rappelé dans des décisions disciplinaires prononcées en 2018 et 2019 publiées par extraits dans l’IPI News 2019-4. Il ne serait sans doute pas déraisonnable d’envisager, selon les circonstances, un recours à l’assurance collective de l’IPI pour indélicatesse dans le chef du syndic sortant !

EN CONCLUSION

L’association des copropriétaires reste souveraine pour mettre fin à une mission de syndic. La loi et le droit sont à ses côtés. Cependant, quels que soient les garde-fous légaux, la démarche de la rupture peut tourner mal. Nul n’est à l’abri de la mauvaise foi ou de la nécessité de faire valoir ses droits auprès des instances déontologiques ou en justice.

Par Marianne Palamides, juriste au SNPC–NEMS

 

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