Une A.G. peut-elle à nouveau délibérer sur un point antérieurement décidé lors d’une assemblée générale précédente ?
Cette question, de nombreux copropriétaires la posent, essentiellement lorsqu’après une décision prise, des éléments nouveaux susceptibles d’influer sur les points votés, sont portés à leur connaissance
Prenons un exemple :
A la date du 05 janvier 2019, l’Assemblée Générale de la Copropriété X examine 3 devis présentés dans le respect de la mise en concurrence imposée par l’article 577/7 §1er C. de la loi sur la Copropriété.
Les travaux portent sur l’entretien de la façade.
Après discussions, l’Assemblée Générale, pour un travail estimé à 250.000,00 €, marque accord et le syndic se voit habilité à signer le bon de commande.
Toutefois, après cette A.G. et avant signature par le syndic du contrat, un copropriétaire qui, seul, a continué à investiguer, apprend que la firme choisie est attraite à plusieurs reprises par d’autres clients devant le Tribunal suite à des malfaçons constatées liées à une absence de suivi du chantier.
Il s’empresse d’avertir le syndic, lequel, embarrassé, relève :
« L’Assemblée Générale est souveraine et ce qui est décidé par elle a force de loi et doit être respecté ».
Une telle approche n’est-elle pas trop rigide ?
Une décision prise ne peut-elle pas être revue à la lumière d’éléments nouveaux ?
Le principe d’une possible révision d’un point vidé par l’Assemblée Générale a été abordé par le Juge de Paix du canton d’IXELLES (14 février 2019, JLMB, table annuelle, 2018/43, page 2153).
Dans le cas vidé par le Tribunal, la première décision prise par l’Assemblée Générale était une décision de refus portant sur la remise en état de la distribution de chauffage pour deux blocs d’une Copropriété.
Le résumé de cette décision publié est le suivant :
« Un copropriétaire est en droit de remettre à l’Ordre du Jour une question lors d’une nouvelle Assemblée Générale après que cette question ait déjà fait l’objet de débats et qu’une décision de refus ait déjà été prise : il est, partant, en droit de demander à l’Assemblée Générale, de réétudier la question.
Toutefois, dès lors que l’Assemblée Générale décide souverainement, après examen, de refuser une deuxième fois cette proposition, il y a lieu de constater que ce copropriétaire qui est forclos de son droit d’agir en annulation contre la première décision, ne peut tenter de demander l’annulation de la décision postérieure portant sur le même objet, si la seule raison pour laquelle cette décision postérieure a été prise réside dans le fait que ce copropriétaire la fait remettre à l’Ordre du Jour d’une nouvelle Assemblée Générale ».
Cela signifie donc que le droit à un nouveau débat n’est pas exclu mais que, si l’Assemblée Générale, souveraine, après réexamen, refuser de prendre en compte cette demande de révision, alors, le copropriétaire qui n’a pu obtenir une « autre » décision, ne peut user de l’article 577/9 §2 de la loi sur la Copropriété pour demander au Juge de Paix une annulation ou réformation tant de la première décision qu’il voulait voir revue que de la seconde décision qui a refusé cette révision.
Une autre question se pose : comment le copropriétaire entendant voir un point voté réexaminé peut-il agir pour que l’Assemblée Générale soit saisie de sa demande ?
En effet, il importe souvent, comme dans l’exemple qui est donné, de veiller à une convocation rapide de l’Assemblée Générale nouvelle.
Rappelons à cet effet les quatre modes de convocation prévus :
1. Convocation pour la période fixée par le Règlement d’Ordre Intérieur (article 577/6 §2, alinéa 1er).
2. Convocation lorsqu’il importe qu’une décision soit prise d’urgence dans l’intérêt de la Copropriété, cette convocation étant, comme la première, faite par le syndic (article 577/6 §2 alinéa 1er).
3. Convocation consécutive à la requête d’un ou de plusieurs copropriétaires possédant au moins 1/5ème des parts dans les parties communes, le syndic devant alors adresser la convocation aux copropriétaires dans les 30 jours de la réception de la requête (article 577/6 §2 alinéa 2).
4. Convocation faite par un des copropriétaires qui a cosigné la requête ci-avant précisée si le syndic ne donne pas suite à cette requête.
Reprenons notre exemple et imaginons que le syndic soit « embarrassé » par la demande du copropriétaire méfiant quant à l’entreprise choisie, le syndic considérant, quant à lui, que ce n’est pas parce que l’entreprise a divers procès pour malfaçons qu’il ne faut pas, pour le chantier, lui faire confiance.
Le syndic pourrait ainsi d’autorité considérer que la condition (urgence) pour la convocation n’est pas requise.
Relevons, à cet effet, que, si le chantier « tourne mal », le syndic qui a fait choix de ne pas convoquer pourrait… voir sa responsabilité mise en cause si le Tribunal venait à considérer qu’un « syndic normalement diligent et prudent ainsi averti », a, à tout le moins, l’obligation de veiller à ce que ce point soit à nouveau débattu.
Mais ce syndic pourrait toujours objecter que la loi sur la Copropriété donne la possibilité à un copropriétaire de lui adresser une requête qui, alors, le contraindrait à convoquer s’il retrouve d’autres copropriétaires possédant au moins 1/5ème des parts dans les parties communes, Le syndic peut légitimement considérer qu’une demande faite par un seul copropriétaire, pour remettre en cause une décision par une Assemblée Générale nouvelle à convoquer, est insuffisante.
Nous conseillons vivement alors au syndic, saisi de la demande d’un seul copropriétaire, d’expliciter utilement quelle est sa position en relevant qu’il n’exclut pas la nécessité de voir une nouvelle Assemblée Générale convoquée mais qu’il estime, qu’avant de partir dans les convocations, il serait sage qu’à tout le moins les copropriétaires représentant 1/5ème des parts, le demandent.
Cette correspondance, dans un souci de grande transparence, peut être envoyée à tous les copropriétaires.
La balle sera ainsi dans leur camp puisque, in fine, c’est eux qui, en tout état de cause, doivent décider.
Nous conclurons en résumant dès lors notre article comme suit :
1. Il n’y a aucun obstacle à ce que soit mis à l’Ordre du Jour d’une Assemblée Générale la révision d’une décision ancienne prise par une Assemblée Générale précédente.
2. En cas de confirmation de la première décision, le copropriétaire qui a voulu la voir modifiée, si le délai de 4 mois prenant cours après la première Assemblée Générale, est expiré, ne pourra plus agir judiciairement.
3. Pour porter cette demande de révision à l’Ordre du Jour d’une Assemblée Générale subséquente, si le syndic refuse une nouvelle convocation, le copropriétaire doit veiller à ce que la demande de convocation émane alors d’1/5ème des parts dans les parties communes.
4. Le syndic qui refuse de répondre à la demande d’un seul copropriétaire sollicitant la révision d’une décision antérieure, soucieux d’éviter une mise en cause de sa responsabilité, pourrait veiller à transmettre à tous les copropriétaires la demande introduite par le copropriétaire seul aux fins de permettre, s’il y a lieu, aux copropriétaires détenant 1/5ème des parts, de lui demander alors de convoquer.
De cette façon, si la décision précédente est maintenue et que celle-ci est à la base d’un dommage subi par la Copropriété, le syndic qui a veillé à ce que la Copropriété soit mise devant ses responsabilités, ne pourrait se voir être mis en cause.
Par Pierre ROUSSEAUX, avocat, Président SNPC-NEMS CHARLEROI