La justice de paix de Grâce Hollogne a rendu le 17/10/2019 une décision intéressante  en matière de copropriété

Les faits se déroulent dans une copropriété de trois appartements et un commerce. Une des copropriétaires a demandé l’accord de l’assemblée générale  afin de l’autoriser à placer des panneaux photovoltaïques sur la partie de toiture située au dessus de son appartement.

L’assemblée générale  avait déjà refusé plusieurs années de suite de donner son accord à ce sujet en invoquant des raisons esthétiques et l’uniformité de la toiture.

La copropriétaire a réitéré  sa demande chaque année car la loi n’interdit pas de soumettre plusieurs fois un même point au vote de l’assemblée générale  et d’obtenir une nouvelle décision.

L’assemblée a une fois de plus refusé de donner son accord au sujet de ce placement.

La copropriétaire a alors pris la décision, conformément à l’article 577-9 § 2 du code civil de demander au Juge de paix l’annulation de cette décision.

Pour rappel, en vertu de cet article, « tout copropriétaire peut demander au Juge

de paix d’annuler ou de réformer une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l’assemblée générale si elle lui cause un préjudice personnel. »

Ainsi les tribunaux ont déjà annulé une décision de l’assemblée générale  en invoquant le fait qu’elle lésait les droits de copropriétaires minoritaires de manière injustifiée ou  disproportionnée par rapport aux avantages qu’en retireraient les copropriétaires majoritaires.

Pour être recevable, cette action doit être intentée dans un délai de quatre mois à compter de la date de l’assemblée générale.

Après avoir examiné la recevabilité de l’action, le Juge de paix a déclaré « qu’il est hautement abusif, dans le contexte actuel de réchauffement climatique, de mettre des obstacles à la production d’énergie verte pour des seules raisons esthétiques. »

De plus, elle a constaté que le « préjudice » esthétique était inexistant car la partie de la toiture concernée se trouvait à l’arrière de l’immeuble, que la toiture était grise anthracite et que les panneaux seraient quasi-invisibles.

Sur base de cette argumentation, elle a annulé la décision de l’assemblée qui n’autorisait pas la copropriétaire à placer des panneaux photovoltaïques.

Le Juge de paix a apprécié souverainement les différents intérêts en jeu et a clairement entendu faire prévaloir les intérêts écologiques sur les seules raisons esthétiques invoquées par l’association des copropriétaires pour refuser le placement des panneaux.

Il a rendu une décision dans la tendance actuelle qui vise à prendre des mesures contre le réchauffement climatique et a privilégié les intérêts collectifs par rapport aux intérêts individuels de la copropriété.

En annulant la décision et en ne la réformant pas, il laisse le soin à la copropriétaire plaignante de demander que le point soit à nouveau mis à l’ordre du jour d’une prochaine assemblée générale.

L’assemblée devra alors se prononcer au vu de la décision du juge de paix mais aura encore la possibilité de subordonner son accord  à certaines conditions.

En effet, placer des panneaux photovoltaïques sur un toit peut notamment causer des problèmes ultérieurs d’infiltration, peut présenter un risque de chute éventuelle notamment à cause de vents violents, …

Il sera alors recommandé à l’association des copropriétaires de donner son accord en fixant clairement ses conditions et en définissant les responsabilités de chacun.

Elle pourra par exemple exiger un état des lieux contradictoire et à frais partagés de la toiture avant le placement des panneaux, définir l’emplacement exact de pose des panneaux et demander que leur pose soit supervisée par un expert de manière à vérifier qu’ils sont correctement fixés et ne risquent pas de poser des problèmes d’infiltration.

Elle pourra également demander que la pose soit sous l’entière responsabilité de la copropriétaire et déjà voter que tout problème ultérieur à l’immeuble  qui pourrait provenir de cette installation sera également sous l’entière responsabilité de cette copropriétaire.

La copropriété aura ainsi adopté une attitude constructive tout en préservant ses propres intérêts.


Par Martine Poznantek, juriste au SNPC-NEMS

 

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