Que deviennent nos ascenseurs anciens ?
L’échéance du 31 décembre 2022 fixée par l’AR du 9.3. 2003 (et ses adaptations) pour la modernisation des ascenseurs mis en service avant le 1er janvier 1958 approche inexorablement.
Les propriétaires et syndics/ gestionnaires d’ascenseurs d’immeubles sont en effet depuis longtemps préoccupés par l’urgence et les menaces que les analyses de risque standard font planer sur les ascenseurs historiques ou à valeur ou intérêt patrimonial et esthétique!
DE QUOI S’AGIT-IL ?
Dès la fin du 19e siècle, des ascenseurs, conçus comme de petits chefs d’œuvre de travail technique et artisanal, à trémie ouverte avec des grilles en ferronnerie, des cabines ouvragées en bois et banquettes avec des glaces biseautées et autres décors, sont apparus dans les grands hôtels et les grands magasins. Et quand la vie en appartement se développe dès les années 1920, ces ascenseurs commencent à équiper nos immeubles de 4 ou 5 étages et contribuent dorénavant à la valeur patrimoniale des appartements. Qui en effet, parmi les amoureux d’ascenseurs ou des initiés pourrait rester insensible à l’évocation de noms tel que Hart, Jean Delhaye, Jaspar, Daelemans, Léon Edoux, Thirionnet, Poppe, le paternoster…
Le souci de sécurisation a cependant bousculé les pratiques en usage. L’AR du 9.3.2003 et subséquents de 2005 et 2012 ont imposé aux ascenseurs de tous âges entretiens, inspections, travaux de modernisation…
L’analyse de risques standardisée appliquée aux ascenseurs plus modernes et emmurés avec des gaines pesant des tonnes n’est pourtant pas adaptée aux ascenseurs anciens. L’évaluation des risques les concernant et les dispositifs techniques de sécurisation, par exemple le rideau électronique ou la serrure à fermeture positive, doivent permettre à ces équipements de conserver leurs caractéristiques propres et leurs témoignages des traditions industrielles et artisanales. La méthode Kinney internationalement reconnue peut assurément évaluer leurs risques en tenant compte de trois éléments d’appréciation : la probabilité, l’exposition, les conséquences. Seulement voilà, il a fallu constater que rarement les SECT ont accepté de l’appliquer.
ET ALORS ?
Le Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires, sensible à cette problématique, veille à régulièrement en relayer l’évolution dans les pages de LE CRI (voir n° 438, n° 405, n° 397, n° 393, n° 389, n° 387…). Bruxelles Développement urbain y consacrait aussi dans Bruxelles Patrimoines n° 13 de décembre 2014 un dossier passionnant. Il en a été de même pour l’a.s.b.l. Save Our Elevators qui veut promouvoir des solutions respectueuses pour les ascenseurs à valeur patrimoniale.
COMBIEN D’ASCENSEURS SONT VISÉS ?
Il semblerait que le site officiel du patrimoine renseigne quelque 38 ascenseurs à protéger. Des médias dont le JT de la rtbf du 27/4/2017 évoquaient un chiffre proche de 12.000 en Belgique dont 50 % à Bruxelles alors que la liste d’ascenseurs potentiellement intéressants initiée par la Direction des Monuments et Sites et complétée par une équipe du centre Urbain qui préparait en 2014 l’exposition « Lift Story » en concédait quelques 250 !
Face à cette absence de chiffres précis alors que les risques courus par ces ascenseurs d’être dénaturés sont grands et vu un manque important de compétences parmi les contrôleurs et les artisans formés, des initiatives régionales ont vu le jour.
Par exemple, à Bruxelles :
- la promesse du gouvernement bruxellois contenue dans sa déclaration de politique générale de dresser un inventaire afin de recenser les ascenseurs bruxellois à protéger,
- le vote d’une motion par des communes bruxelloises comme Ixelles, Schaerbeek, Bruxelles-Ville ou Woluwe-Saint Lambert, visant à recenser et à protéger les ascenseurs anciens du patrimoine immobilier implanté sur les territoires communaux … et après une interpellation parlementaire du 16/12/2019 du secrétaire d’Etat au Patrimoine,
- la préparation d’un cahier de charges pour la réalisation d’un inventaire/ recensement.
Après son appel aux propriétaires dans LE CRI (voir LE CRI n° 438), l’a.s.b.l. Save Our Elevators a organisé avec la commune de Woluwe-Saint-Lambert une séance d’information.
Soulignons et saluons dès lors l’action de la commune de Schaerbeek et de son bourgmestre, actuellement empêché, Monsieur Bernard Clerfayt actuellement Ministre, et de son bourgmestre faisant fonction, Madame Cécile Jodoigne, très sensibles, à la problématique des ascenseurs historiques.
En effet, après son action pour le classement par la Région de Bruxelles Capitale de l’avenue Louis Bertrand « vu son caractère qualitatif indéniable ainsi que sa valeur patrimoniale, historique, esthétique et culturelle indéniable », la Commune soutient activement la démarche d’inventorisation des ascenseurs anciens par la Région et a lancé :
EN CONCLUSION
En 2020, enfin, les choses semblent bouger. Grâce à des démarches communales comme celles de Schaerbeek, un inventaire fidèle à la réalité, à dimension communale/régionale et bientôt, espérons-le, nationale, du parc des ascenseurs anciens pourrait voir le jour et convaincre alors les SECT et le SPF Economie de la nécessité et du bien-fondé d’une analyse des risques sur mesure et des formations d’artisans compétents et d’entreprises mettant en œuvre des techniques de modernisation adaptées à la conservation des ascenseurs anciens et au contexte architectural dans lequel les ascenseurs anciens s’inscrivent.
Par Marianne Palamides, Juriste au SNPC-NEMS