Bornes de recharge pour véhicules électriques : un paradis miné ! Suite
Les objectifs européens en matière de décarbonation, la lutte contre la pollution de l’air et les changements climatiques ou la problématique de la mobilité constituent depuis quelques années le cheval de bataille aussi bien des secteurs économiques que de chacune dLe nos Régions.
L’alternative aux véhicules à moteur thermique et leur sortie du parc automobile est à l’ordre du jour de la Région de Bruxelles-Capitale. Elle a déjà défini sa vision régionale pour l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques (https://environnement.brussels/ news/une-vision-regionale-pour-linstallation-des-bornes-de-recharge-pour-vehicules-electriques). Les lecteurs intéressés peuvent se référer aux pages que LE CRI leur a déjà consacrés (voir LE CRI, n° 454, mai 2021, pp. 16 et sv.).
Mais, la cote des véhicules électriques croît. Bruxelles-Environnement annonce que la Région travaille sur la rédaction d’un arrêté tendant à règlementer le nombre de bornes de recharge et les conditions d’installation dans les parkings bruxellois. Il devrait être adopté pour la fin de l’année....
Entre-temps, voici un bref aperçu ni exhaustif ni définitif des conditions d’installation dans les parkings en copropriété.
A. RAPPELS DE PRINCIPE
Application de l’article 3.82 ou ex 577-2, § 10 du Code civil
« Il est loisible à chacun des copropriétaires de modifier à ses frais la chose commune, pourvu qu’il n’en change pas la destination et qu’il ne nuise pas aux droits de ses consorts ».
Et le droit à la prise est accordé à chaque copropriétaire : le copropriétaire a légalement le droit, pour son propre compte et à ses frais exclusifs, d’installer, d’entretenir ou de procéder à la réfection de câbles et équipements y associés dans ou sur les parties communes, si ces travaux ont pour but, dans le domaine de l’énergie notamment, d’optimaliser pour lui l’infrastructure de ses parties privatives.
B. OUI, MAIS...
Ces travaux consistent en achat d’équipement et d’énergie ainsi qu’en frais d’installation et d’entretien. Ils sont exclusivement payés par le copropriétaire intéressé à optimaliser l’infrastructure de ses parties privatives. C’est certain, les travaux lui sont utiles mais ils affecteront indubitablement les parties communes de l’immeuble. Même si la borne est installée dans son box fermé, les câbles traverseront irrémédiablement les communs pour être connectés dans un espace où sont généralement installés les compteurs électriques.
L’assemblée générale de l’association des copropriétaires doit donner son autorisation à l’exécution des travaux, votée éventuellement à la majorité des 2/3 des voix des copropriétaires présents ou représentés. Pour ce faire, via le syndic qui reçoit un envoi recommandé indiquant expressément l’adresse de l’expéditeur, il lui est soumis un descriptif des travaux envisagés projetés et la preuve de l’optimalisation dont bénéficieront les parties privatives concernées.
La copropriété et les autres copropriétaires peuvent s’y opposer dès lors qu’ils font valoir un intérêt légitime tel un alourdissement de leurs charges financières ou un dommage à l’apparence de l’immeuble ou une atteinte à l’hygiène ou à la sécurité.
C. ET, C’EST PRÉCISÉMENT SUR LE PLAN DE LA SÉCURITÉ QUE LE BÂT BLESSE !
1. Dans un parking non couvert
Même si aucune démarche ou autorisation administrative n’est requise, il est à noter que la borne électrique ne peut en aucun cas être installée près d’une façade en bois et que la surface sur laquelle elle sera installée doit être incombustible ou ignifugée. Et, il faut la soumettre à l’autorisation de l’assemblée générale.
2. Dans un parking couvert
Il ressort des informations communiquées par Bruxelles-Environnement, que les exigences techniques minimales foisonnent :
- Définir clairement les points de recharge,
- Réaliser la recharge des véhicules électriques impérativement à l’aide des points de recharge prévus à cet effet,
- Interdiction d’utiliser des points de recharge rapide, donc pas de mode 4 à courant continu,
- Dimensionner les installations électriques pour répondre aux prescriptions du RGIE, à contrôler par un organisme agréé,
- Placer un bouton d’arrêt d’urgence près de l’entrée/sortie du parking, pour pouvoir couper la totalité des points de recharge en cas d’incendie ou d’incident,
- Pouvoir couper l’alimentation de tous les points de recharge si l’immeuble comprend une installation de détection incendie,
- Munir les points de recharge d’une protection physique,
- Ventiler efficacement les zones de recharge,
- Placer à l’entrée/sortie du parking un plan clair et à l’échelle indiquant clairement l’emplacement des véhicules électriques.
En ce sens, des conditions supplémentaires et spécifiques viseront les parkings couverts de plus de 1250 m2, et de plus d’un niveau en sous-sol, et notamment une installation de détection incendie avec des détecteurs de fumée et de CO couplée à une alarme incendie...
D. EN CONCLUSION
Dès que la superficie totale du parking dépasse 250 m2, il apparaît que des conditions nombreuses et diverses seront définies. Parmi les critères retenus pour définir les conditions à respecter, le caractère hors-sol ou sous-sol du parking ou la profondeur des niveaux en sous-sol variant de 0 à 21 mètres et au-delà seront prises en considération. Nombre de ces conditions nécessiteront un investissement certain de la part des copropriétaires intéressés. Par ailleurs, compte tenu du caractère technique des conditions évoquées qui affectent manifestement les parties communes, il est évident que ce sera la copropriété qui sera concernée au premier chef. Vu la nature des travaux requis, les copropriétés seront peu enclines à laisser le champ libre au copropriétaire concerné pour exécuter ses travaux.
Et, là encore en effet, c’est bien l’assemblée générale qui peut décider à la majorité des 2/3 des voix, et moyennant des raisons techniques sinon économiques, de l’exécution des travaux privatifs sollicités puisqu’ils affectent les communs, aux frais exclusifs du copropriétaire demandeur.
Vu l’importance des enjeux, l’information préalable à livrer à la copropriété et les incertitudes actuelles, nous ne pouvons que recommander l’attention et l’expectative des textes juridiques annoncés avant d’accomplir toute autre démarche pratique.
Par Marianne Palamides, Juriste au SNPC-NEMS